Charles Aznavour, né Shahnour Vaghinag Aznavourian le 22 mai 1924 à Paris, voit le jour au cœur d’une famille arménienne exilée. Ses parents, Knar Baghdasarian et Misha Aznavourian, ont fui le génocide arménien pour chercher refuge en France, emportant avec eux un riche héritage culturel. Son père, ancien chanteur baryton devenu restaurateur, et sa mère, comédienne, baignent le jeune Charles dans un univers artistique qui éveillera en lui une passion précoce pour la scène.
Enfant timide mais curieux, Charles abandonne l’école dès l’âge de neuf ans pour se consacrer à son rêve : devenir artiste. Soutenu par ses parents, il adopte le nom de scène Aznavour et commence à jouer de petits rôles dans des pièces de théâtre et des cabarets. Ses débuts sont modestes, mais l’intensité de son engagement impressionne ceux qui croisent son chemin.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la famille Aznavour fait preuve d’un courage exemplaire en cachant des Juifs et des réfugiés arméniens pour échapper à la persécution nazie. Ces actions héroïques valent à Charles et à sa sœur Aïda une reconnaissance internationale plusieurs décennies plus tard, quand ils sont décorés par l’Institut Yad Vashem comme Justes parmi les Nations.
La rencontre décisive pour Aznavour se produit en 1946, lorsqu’il fait la connaissance d’Édith Piaf. La star française reconnaît immédiatement le talent brut de ce jeune auteur-compositeur-interprète et l’embarque avec elle en tournée à travers l’Europe et l’Amérique. Bien que souvent critiqué pour sa voix rugueuse et son apparence peu conventionnelle, Aznavour commence à s’affirmer comme un artiste à part entière, un poète des émotions humaines.
L’ascension vers les sommets
Les années 1950 marquent le début de la reconnaissance pour Charles Aznavour, mais ce n’est qu’au début des années 1960 que sa carrière explose véritablement. Des chansons comme « Je m’voyais déjà », où il exprime les rêves et les désillusions des artistes, touchent un large public. Son style, mêlant une poésie sincère à des mélodies poignantes, commence à définir une nouvelle forme de chanson française.
En 1965, il compose « La Bohème », un chef-d’œuvre intemporel racontant la nostalgie d’un peintre pour ses jours de jeunesse dans le quartier de Montmartre. Ce titre, emblématique de son répertoire, devient rapidement un standard mondial et consolide son statut de légende vivante.
Son succès dépasse les frontières de la France. Aznavour chante en plusieurs langues, notamment en anglais, italien, espagnol, et arménien. Des hits comme « She », sorti en 1974, lui ouvrent les portes des États-Unis et de l’Amérique latine. Il devient l’un des premiers chanteurs français à conquérir un public véritablement international.
En parallèle, il développe une carrière au cinéma. Aznavour montre ses talents d’acteur dans des films marquants comme « Tirez sur le pianiste » de François Truffaut ou « Le Tambour » de Volker Schlöndorff. À l’écran comme sur scène, il incarne une figure d’artiste sincère, vulnérable et profondément humain.
Au-delà de sa carrière artistique, Aznavour s’investit dans des causes humanitaires. Après le séisme dévastateur qui frappe l’Arménie en 1988, il fonde l’organisation « Aznavour pour l’Arménie » et contribue à des projets de reconstruction. En 2009, il est nommé ambassadeur d’Arménie en Suisse et représentant permanent auprès des Nations unies, une reconnaissance de son attachement indéfectible à ses racines.
Un héritage éternel
Malgré le poids des années, Charles Aznavour reste incroyablement actif tout au long de sa vie. Dans les années 1990 et 2000, il continue de remplir des salles de concert à travers le monde, captivant des générations de fans avec son charisme et sa voix reconnaissable entre toutes. Il enregistre de nouveaux albums, adapte ses chansons pour les publics étrangers et n’hésite pas à explorer des styles musicaux modernes.
En 2017, à 93 ans, il reçoit une étoile sur le Hollywood Walk of Fame, une consécration rare pour un artiste français. Lors de son discours, il remercie ses fans du monde entier et rappelle son parcours atypique, façonné par la persévérance et l’amour de l’art.
Charles Aznavour décède le 1er octobre 2018 à l’âge de 94 ans dans sa résidence du sud de la France. Sa disparition provoque une onde de choc dans le monde de la musique et bien au-delà. Les hommages affluent de partout : artistes, hommes politiques et anonymes saluent un homme qui a marqué le XXe siècle par son génie artistique et son humanité.
Aujourd’hui, l’héritage d’Aznavour perdure à travers ses chansons. « La Bohème », « Emmenez-moi », « Hier encore » et tant d’autres continuent de résonner dans les cœurs. Pour ses 100 ans en 2024, un coffret rétrospectif, « The Complete Work. Centenary Edition 1924-2024 », est publié, rassemblant ses enregistrements emblématiques. Un biopic intitulé « Monsieur Aznavour », avec Tahar Rahim dans le rôle-titre, revient sur sa vie extraordinaire.
Charles Aznavour, ce petit homme au charisme immense, reste une icône intemporelle. Sa carrière exemplaire témoigne de la puissance de la passion et de la persévérance. Il est bien plus qu’un chanteur ou un acteur : il est un conteur d’histoires universelles, un homme qui a su capturer l’essence de l’âme humaine dans chacune de ses œuvres.